Responsable du réseau forêt. Représentant de France Nature Environnement au CESE. Issu de la SEPANSO.
Ce spécialiste des ressources génétiques des forêts scrute les répercussions des changements climatiques sur ces milieux si particuliers. Et défend leur cause au nom de France Nature Environnement.
Il aurait pu être commissaire de police ou cadre des Postes et télécommunications. Mais sur les trois concours publics décrochés en 1974, c'est celui des Eaux et Forêts qu'Hervé Le Bouler a choisi. Heureux hasard ? Pas tout à fait, tant il semble dans son élément en forêt. Ses ancêtres paternels étaient d'ailleurs des « nomades forestiers bretons», savetiers et charbonniers vivant dans les bois. Jusqu'à ce que son arrière-grand-père décide de s’installer à Saint-Jean-Brevelay, en Bretagne centrale, pour que ses enfants aillent à l'école. Trois générations plus tard, en sortant de sa formation forestière, Hervé Le Bouler est devenu non loin de là directeur de la « pépinière » de Guémené-Penfao (Loire-Atlantique), soit, dans la terminologie officielle, le Conservatoire national de la biodiversité forestière. Il le dirigera pendant 36 ans. « J'ai toujours refusé d'aller travailler à Paris, ce qui a probablement freiné ma carrière », constate-t-il sans regret. Il vit désormais en Chalosse, non loin de Dax, dans les Landes, où il continue à mener des missions de recherche pour l'ONF et les instituts forestiers, tout en assurant le pilotage du réseau forêt de France Nature Environnement.
Ce scientifique s'intéresse à la forêt dans toutes ses dimensions, biologiques, économiques, symboliques. « Loin du brouhaha de la ville, la forêt est un lieu de ressourcement. Sous des arbres de trente mètres de haut, qui poussent là depuis deux cents ans, on se retrouve facilement face à soi-même, philosophe Hervé Le Bouler. Sans qu'ils les connaissent bien, les Français aiment leurs forêts. Elles tiennent d'ailleurs un rôle essentiel dans l'imaginaire. La psychanalyse l'a bien compris et la forêt occupe une place prépondérante dans la littérature enfantine. » Il connaît aussi bien les hommes qui travaillent dans les bois, ce « peuple forestier » auquel il s'identifie, constitué des propriétaires, des agents de l'ONF, « des hommes et des femmes, la plupart du temps, peu bavards, patients par nature, car ils savent que la forêt leur survivra. »
« Comment les arbres vont-ils répondre à cet événement unique, puisque la planète n'a jamais connu de réchauffement aussi rapide ? »
« C'est un chercheur. Il aime creuser les sujets les plus pointus et débattre », explique Juliette Fatus, chargée de mission forêt, qui travaille aux côtés d’Hervé depuis quatre ans. Lui se définit plutôt comme « pépiniériste depuis quarante ans ». Un terme bien modeste pour décrire un travail d'expert en ressources génétiques des forêts, qui consiste à détecter les premières essences d’arbres affectées par les changements climatiques et à dessiner l'avenir de nos forêts, en élaborant différents scénarios. « Si la température grimpe de plus de deux degrés, les changements seront trop importants. Nous aurons à Orléans le même climat qu'aujourd'hui au centre de l'Espagne !, explique-t-il dans son langage direct. En France, les essences les plus menacées sont celles qui ne tolèrent pas la sécheresse, comme le hêtre ou le sapin. Le chêne vert, lui, pourrait voir son aire de répartition augmenter. Si les arbres sont fragilisés, cela peut entraîner la pullulation d'insectes. Comment les arbres vont-ils répondre à cet événement unique, puisque la planète n'a jamais connu de réchauffement aussi rapide ? » Le dérèglement climatique bouleverse aussi le monde sylvicole. Les industriels du bois ou de l'énergie y voient l'opportunité d'adapter la forêt à leurs besoins, la considérant comme usine à fabriquer du bois. Pour résumer le point de vue de France Nature Environnement sur la question, cet amateur de bons mots use d'un aphorisme bien senti : « Le bois énergie est au bois d’œuvre ce que l'épluchure est à la patate. On ne cultive pas la forêt que pour ça. Ce ne serait de toute façon pas rentable. »
Cette faconde et son expertise ont fait de lui le candidat idéal pour prendre le pilotage du réseau forêt, en 2011. Ce « bon écolo militant de Bretagne, toujours prêt à râler » s’est mobilisé contre la centrale de Plogoff ou contre l’installation d’un camp militaire au Larzac, et s’est investi de longues années près de chez lui, au sein de Pays de Loire Nature Environnement ou du Réseau Cohérence. Il a également exercé des responsabilités politiques, en tant que maire-adjoint de Guémené-Penfao entre 1986 et 1996. Sa voix à faire trembler les chênes est une arme redoutable pour se faire entendre. Il s'en sert pour mener un dialogue de qualité avec les différents interlocuteurs de France Nature Environnement : Etat, communes forestières, propriétaires privés… « C'est beaucoup plus dans ma nature de convaincre, de discuter, que d’aller à l’affrontement. Notre travail d'expertise nous donne une grande légitimité auprès des décideurs. Nous sommes écoutés. Cela nous permet de peser, de faire passer nos revendications. Et grâce aux informations du terrain, communiquées par les associations, nous ne nous laissons pas berner sur les dossiers difficiles. » Le tout pour des réunions sans langue de bois.
1953 : naissance à Elven (Morbihan)
1976 : directeur du Conservatoire national de la biodiversité forestière
2011 : devient responsable des politiques forestières pour France Nature Environnement