Jean-Luc Toullec le confesse. Il est "attaché viscéralement" à ces terres bretonnes battues par les vents. "Je me sens plus terrien que marin, confie-t-il. Je retourne souvent dans le village de Sizun, au nord des Monts d'Arrée, un coin rural du Finistère." Le président de Bretagne Vivante se définit comme un "pur produit de l'exode rural", venu vivre à Rennes avec ses parents. " Petit-fils d'agriculteurs, frère d'un producteur de cidre, j'ai une image très noble du métier d'agriculteur. " Lui s'est tourné vers la protection de la nature, après des études en écologie et aménagement.
En 1987, il devient animateur nature à la SEPNB, Société pour l'Etude et la Protection de la Nature en Bretagne, ancien nom de Bretagne Vivante. Avant de revenir au monde agricole par un chemin de traverse, en tant qu'enseignant en lycée agricole. Jean-Luc Toullec est désormais animateur du réseau biodiversité de l'enseignement agricole, au niveau national. Il a poursuivi en parallèle son engagement associatif. D'abord responsable de la section de Rennes de Bretagne Vivante, il est nommé président de Bretagne Vivante en 2009, au moment du cinquantenaire. Cette association est l'une des plus importantes du territoire. Bretagne Vivante compte 3000 adhérents et soixante salariés, répartis sur 5 départements. "L'association couvre la Bretagne historique, y compris la Loire-Atlantique. Notre mot d'ordre : connaître, protéger, éduquer à la nature. Nous abordons, à travers l'entrée biodiversité, toutes les problématiques environnementales. " En 2010, elle s'est livrée à l'exercice délicat de la définition d'un plan d'action. "Nous avons fait le point sur nos valeurs, nos objectifs, raconte son président. Nous avons dû hiérarchiser et organiser les priorités. C'est un travail indispensable, quand les sujets de mobilisation sont nombreux et les budgets limités." Deux grands dossiers ont émergé : la lutte contre l'artificialisation des sols, conséquence du grignotage de l'espace urbain et littoral, et les excès de l'agriculture intensive.
Pour militer en Bretagne, connaître la question agricole est indispensable. Les impacts de l'activité sur le territoire sont au cœur des préoccupations. " Cette intensification a permis aux Bretons de vivre de l'agriculture, explique-t-il du ton posé du professeur. Mais elle a eu des effets pervers. La région continue à perdre 30 % de ses agriculteurs tous les dix ans. Et il y a aussi, bien sûr, le problème des algues vertes, symptôme de l'eutrophisation générale des milieux. " Le sujet est sensible. La campagne menée par FNE en 2011 sur la prolifération de ces algues, liée à la multiplication des élevages industriels, a eu un fort retentissement. "Sur le terrain, ça a été délicat. Des agriculteurs proches de nous se sont sentis visés. Un an et demi après, nous pouvons en mesurer certains effets positifs. La campagne a généré du débat et le dialogue se poursuit." Jean-Luc Toullec en est persuadé. C'est en échangeant avec la profession agricole et les pouvoirs publics que les pratiques pourront évoluer dans le bon sens.
La région garde les cicatrices de grandes catastrophes écologiques, le naufrage de l'Amoco Cadiz et de l'Erika. Aujourd'hui, l'association, comme d'autres associations du mouvement, se mobilise contre le projet d'aéroport à Notre-Dame des Landes. "Nous sommes au cœur de l'action, apportant notre compétence naturaliste et juridique. Et nous avons un rôle de veille. Nous relayons les positions, nous leur apportons notre soutien." Le dossier lui rappelle la lutte contre la centrale nucléaire de Plogoff, à la fin des années 70. La mobilisation citoyenne avait fini par l'emporter. Il l'évoque avec respect et fierté : "Nous sommes des héritiers de ces combats. Ils ont une force symbolique évidente. Ils représentent la lutte contre un modèle de développement qu'on ne souhaite plus."
Cette préoccupation des Bretons pour leur environnement se reflète dans le dynamisme des associations. "La Bretagne est un terreau fort de militantisme. Mais nous ne nous contentons pas d'être dans l'opposition. Nous nouons des partenariats, nous dialoguons avec les acteurs locaux, nous travaillons régulièrement avec Eau et rivières de Bretagne, le Groupe mammalogique breton et beaucoup d'autres associations. Je cherche à valoriser les convergences." A ses yeux, un des défis pour 2013 sera de coordonner les actions des associations de la région pour défendre ensemble une stratégie d'action pour l'environnement en Bretagne
A l'échelon national, Jean-Luc Toullec est de plus en plus souvent sollicité pour se pencher sur les questions de biodiversité. Allergique à l'idée de ne s'intéresser qu'à une nature sous cloche, il travaille sur la prise en compte des écosystèmes comme base de gestion de nos territoires, en lien avec les activités humaines. " Aujourd'hui, les citoyens sont déconnectés de leur environnement, de leur territoire regrette-t-il. Notre société a besoin de renouer les liens entre l'homme et la nature. C'est une nécessité", conclut celui qui a encore en tête les vacances et les week-ends passés enfant à la ferme de Sizun et dans les landes des Monts d'Arrée.
Bénédicte de Badereau
1964 Naissance en Bretagne
1986 Adhère à Bretagne Vivante
1993 Enseignant en lycée agricole
2009 Cinquante ans de Bretagne Vivante. Il devient président de l'association