C'est un îlot tropical à l'orée du Bois de Boulogne. Sur 6 hectares, les serres d'Auteuil, construites au XIXe siècle et classées monuments historiques, abritent des plantes exotiques venues de Nouvelle-Calédonie et du Sahel, des orchidées et des bégonias, réunis patiemment par des botanistes passionnés. Neuf chapelles, où règne une température de 25° été comme hiver, renferment des spécimens très rares. C'est aussi le petit paradis d'Agnès Popelin. La présidente du Collectif Auteuil - Les Princes, association membre d'Île-de-France Environnement, connaît comme sa poche ce coin raffiné de l'ouest parisien, aux limites du XVIe arrondissement de Paris et de Boulogne-Billancourt. Elle y a grandi, l'a quitté un temps pour Londres, avant de revenir s'y installer en 2000. Vraie citadine, cette tornade brune a besoin de ces espaces verts, "ces morceaux de nature qui nous rappelle que nous sommes des êtres humains. Et ces serres, petits bijoux de technologie hygrométrique, réunissent un patrimoine végétal inégalable" .
Nichés entre le périphérique parisien et le stade Roland-Garros, ces quelques hectares de verdure suscitent les convoitises. Depuis de longs mois, la Fédération Française de Tennis (FFT) rêve d'agrandir le site mitoyen de Roland-Garros. Tous les mois de mai, 435 000 spectateurs se bousculent Porte d'Auteuil pour assister aux Internationaux de France, l'un des quatre tournois du Grand Chelem. Même si l'idée de délocaliser le stade en banlieue est évoquée, les barons du tennis français y tiennent mordicus : Roland-Garros se jouera à Paris. La décision est actée en 2011.
"On ne peut pas tout accepter au nom du sport-business"
Premier set. Le collectif de riverains Auteuil-Les Princes monte au filet. "En tant qu'association, nous n'avons pas voulu critiquer une décision votée en assemblée générale de la FFT, admet-elle, fair-play. En revanche nous avons choisi de combattre le projet et de proposer une solution alternative." Le match s'annonce serré. Une concertation a bien été organisée, mais aucun sujet important n'est abordé. "Nous avons l'impression d'avoir été consultés uniquement sur la couleur des fauteuils", résume-t-elle avec humour. En 2011, huit associations décernent au projet le Grand Prix de la casserole, récompensant avec ironie la plus mauvaise concertation parisienne. En juillet 2011, la ville de Paris accorde à la FFT 12,5 hectares en plein cœur du Bois de Boulogne. Elle a beau aimer le tennis, le projet fait bondir Agnès Popelin. "Le Stade annexerait une partie du jardin botanique, pour y installer des boutiques en lieu et place d'une partie des serres, véritable bibliothèque vivante, s'insurge-t-elle. Pour un tournoi qui ne dure que 15 jours !" Elle continue : "refuser le projet de la FFT, c'est aussi une mesure de santé publique, quand on sait que la porte d'Auteuil est l'un des endroits les plus pollués de Paris. Peut-on vraiment tout accepter au nom du sport-business ?"
Tenace, cette mère de trois enfants construit un dossier juridique béton pour contester la décision. "J'ai trouvé auprès de France Nature Environnement une accessibilité et une aide précieuse." Au printemps 2012, elle passe des journées entières sur le dossier, coachée par Michel Dubromel, vice-président et Sophie Bardet, chargée de mission du réseau juridique. Le 1er mars 2013, le tribunal administratif de Paris arbitre en faveur des associations. Il estime que la concession porte sur une durée de 99 ans," exceptionnellement longue" et "étend de façon significative la surface concédée à la fédération (...) sans contrepartie financière suffisante." La Ville de Paris a deux mois pour résilier la convention signée avec la Fédération française de tennis. "Ils ont voulu s'arroger un espace qui ne peut pas leur être attribué", commente Agnès Popelin. La décision de justice va les obliger à revoir leur stratégie.
Deuxième set : montrer l'étendue de son jeu. Le mardi 5 mars, Agnès Popelin a présenté à la presse le plan du Collectif Auteuil-Les Princes, soutenu par FNE, Vieilles maisons françaises et Sites & Monuments. "Nous n'avons pas voulu tomber dans une opposition stérile, mais avoir une démarche de proposition citoyenne." Pour préserver les serres, le collectif propose la couverture partielle de l'autoroute A13, une déviation de l'avenue de la porte d'Auteuil et l'agrandissement du célèbre Court n°1. Une expertise solide et indépendante, menée par un ingénieur des Ponts et Chaussées, démontre la faisabilité du projet, chiffré à 53 millions d'euros, un coût raisonnable compte tenu des bénéfices qu'engendre le tournoi. Jeu, serres et match.
Ce n'est pas son premier coup d'éclat sur le circuit associatif parisien. Depuis quatre ans, cette ancienne attachée de presse s'investit pour défendre la nature et la santé en Île-de-France. En professionnelle de la communication, Agnès Popelin aime les coups. En 2007, elle avait entraîné son collectif de riverains du 16e, qui n'ont pas tout à fait le profil d'activistes écolos, à bâcher les ponts de Paris pour protester contre le projet du Stade Jean-Bouin. Et après ces échanges sur terre battue, la secrétaire générale adjointe d'Île-de-France Environnement ne compte pas s'arrêter là. Elle souhaite s'investir davantage au sein de France Nature Environnement. Le tournoi continue.
B. de Badereau
Repères
Repères
> 2007 Création du Collectif Auteuil Les Princes (CAP)
> 2009 Secrétaire générale adjointe d'Île-de-France Environnement
> 2010 Mobilisation pour la défense du Stade Jean-Bouin
> 2013 Lutte contre le projet d'extension de Roland-Garros